histoire
du rapatriement des déportés en 1945
Mémoire
Lu
dans le journal « le patriote résistant de novembre
1998 »
Le
rapatriement des déportés en 1945
Rose
guérin , décédée en octobre 1998 ,fit partie , à dater
de mai 1945 , d’une mission de rapatriement des déportés
dans laquelle elle représentait la Fédération des centres
d’entraide .
En
octobre 1945 , elle rendait compte de samission , soulignant
les difficultés rencontrées.
Dès
le mois de mai 1945 , le ministre de l’Air mit tous
ses avions disponibles au service du rapatriement des
déportés politiques (En fait , déportés résistants .
Le terme « déportés politiques fut utilisé jusqu’en
1948 , mais aussi prisonniers de guerre ) et principalement
les plus malades et les plus fatigués . Une Commission
fut créée , comprenant des officiers de l’air , des
représentants du ministère des Prisonniers , Déportés
et Rapatriés , du ministère de la Santé publique , de
l’Assistance publique , de la Croix Rouge , etc…
Le
25 mai , je fus désignée au Bureau de cette Commission
en qualité de menbre de notre Fédération et de représentantes
des déportés politiques . Ce Bureau , qui devait siéger
chaque jour , déterminait le nombre d’avions à envoyer
, les docteurs , infirmières , vivres , médicaments
nécessaires suivant les demandes des Missions françaises
de rapatriement en Allemagne .
Dès
les premiers jours je signalai à la Commision le fait
que les avions ne ramenaent pas que des déportés politiques
alors qu’il y en avait tant encore en Allemagne . Ayant
assisté à l’arrivée des avions au Bourget , je parlai
avec 3 femmes qui se disaient des déportés politiques
. Mais , nous qui avons vécu là-bas, reconnaissons
en quelques mots nos frère. Mais , dès le premier jour
, il apparut que , si les avions , les médecins , les
infirmières-convoyeuses , attendent le départ , que
si l’Assistance Publique attend au Bourget avec ses
infirmières , ses ambulances l’arrivée des malades ,
les Missions françaises de rapatriement ne nous envoient
pas de renseignements sur les endroits où se trouvent
les déportés politiques à rapatrier d’urgence .
Plus
d’un mois après la libération des plus grands camps
de concentration , celles-ci étaient incapables de nous
dire où envoyer les avions alors que des milliers de
déportés politiques , de Français et de Françaises languissaient
et mourraient dans les hôpitaux et les camps .
Pendant
les premières semaines , j’ai apporté à cette Commission
tous les renseignements que nous donnaient nos camarades
à leur retour au Lutétia et à la Fédération sur les
endroits où attendaient les déportés politiques dans
les plus mauvaises conditions et ce dont ils avaient
besoin afin d’envoyer les avions et le nécessaire .
Car
, si les biens portants , les prisonniers de guerre
, les travailleurs , les volontaires surtout , pouvaient
, à pied ou en camion , rejoindre les centres de rapatriement
et prendre les trains (plus ou moins confortables) ,
des faibles , des malades, en général des déportés
politiques , restaient isolés , perdus dans des régions
non prospectées sans aucun soin et souvent sans ravitaillement
.
Deux
jours plus tard , il est signalé l’arrivée dans nos
avions de 2 Allemandes . Je protestai énergiquement
à la Commission et auprès du ministre de l’Air qui interdit
aussitôt l’accès des avions aux Allemands . Un
ministère des Prisonniers et Déportés conséquent et
des ministères de rapatriement dignes de ce nom et à
la hauteur de leur tâche,auraient dû avoir comme grand
souci , comme but immédiat , d’aller rapidement arracher
à la mort ces milliers de Français et de Françaises
qu’on laissait au contraire mourir dans des camps infects
, après la libération , alors qu’ils s’étaient crus
sauvés .
Et
c’est surtout pour ces derniers que le ministère de
l’Air avait mis ses avions en service , pour les rapatrier
si c’était possible , pour leur apporter des médicaments
et des vivres , s’ils étaient intransportables .
Des
missions de prospection furent organisées et les centres
de rapatriement principaux fonctionnèrent à Lüneburg
, Bilzen , Pile , Gotha , etc.
Mais
si dans l’esprit du ministre de l’Air , ces avions devaient
rapatrier des déportés politiques (et naturellement
des prisonniers de guerre malades), ils ramenèrent au
Bourget bien d’autres personnes .
Les
chiffres suivants vont le montrer : du 25 mai au 31
mai, 32 avions ont rapatrié 760 personnes , dont la
moitié seulement de déportés politiques ; pendant le
mois de juin, 301 avions ont ramené 3631 déportés
politiques et 3270 prisonniers de guerre et travailleurs
(près de la moitié encore); au mois de juillet , le
rapatriement diminue
d’intensité et les avions comptent
1 à 3 déportés politiques chacun sur 20 à 30 personnes
et sœurs de misère . Après quelques questions , elles
m’avouèrent avoir été dans un camp , certes , mais dans
un camp de travail comme volontaires .
Deux
jours plus tard , il est signalé l’arrivée dans nos
avions de deux Allemandes . Je protestai énergiquement
à la Commission et auprès du ministre de l’Air qui interdit
aussitôt l’accès des avions aux Allemands (on
s’étonnera qu’il ait été nécessaire de faire une note
ministérielle pour cela) et à tous les étrangers en
général (sauf à ceux qui avaient été arrêtés en France
pour action contre l’occupant ).
Le
ministre de l’Air demandait instamment que des déportés
politiques participent au rapatriement pour dépister
les faux déportés politiques et leur donnai toutes les
facilités pour se rendre en Allemagne en avion .
La
Commision aérienne accepta cette proposition et aussitôt
des rapatriés s’offrent pour aller aider au rapatriement
de leurs camarades encore en llemagne . Munis du laissez-passer
du ministère de l’Air , six d’entre eux parviennent
jusqu’aux centres de rapatriement à Luneburg , Gotha
, Linz , Belsen.
Là
, ils se heurtent aux responsables des missions françaises
de rapatriement . Malgré l’ordre de mission du ministère
de l’Air et leurs explications sur la nécessité de leur
participation au rapatriement , ces officiers leur fermèrent
la porte au nez , certains allèrent même jusqu’à leur
dire de repartir immédiatement s’ils ne voulaient pas
se faire arrêter .
Nos
camarades ne se laissèrent pas décourager , ils voulurent
rester . Mais , sans moyen de transport pour prospecter
les régions environnantes , sans endroit pour manger
et coucher , leur travail était presque impossible .
Un
seul réussit à rester plus de 3 semaines à Luneburg
, grâce à l’appui d’un officier. Il rayonna sur
toute la région , s’habillant tant bien que mal en officier
(à ses risques et périls) . Il permit ainsi le rapatriement
de nombreux de ses camarades .
Mais
ce n’était pas une solution . Ce que nous voulions ,
ce qui était demandé par toute la Commission , c’était
que les déportés politiques participent au triage des
personnes à rapatrier et aient leur mot à dire en la
circonstance , il fallait que le ministère des Prisonniers
et Déportés leur donnent des pouvoirs officiels .
Et
pour cela , nous avons multiplié les démarches , nous
avons couru de bureau en bureau , car ils ne manquent
pas .Le représentant du ministère des Prisonniers à
la commission aérienne de rapatriement m’informa que
les déportés politiques voulant participer au rapatriement
en Allemagne devaient se faire mobiliser .
Il
nous envoya chez le colonel Pouzadou , boulevard Sébastopol
, à cet effet . Malgré de nombreuses visites , de nombreuses
discussions avec de nombreux officiers , nous n’avons
jamais pu obtenir cette mobilisation nécessaire et les
avions continuèrent à ramener , malgré l’interdiction
formelle du ministre de l’Air et de totue la Commission
, des volontaires du travail , des hommes et des femmes
aux valises magnifiques et bien bourrées et même des
Allemandes .
Comment
s’en étonner quand on sait qu’à Linz, le chef de la
mission de rapatriement était un ancien chef des Chantiers
de jeunesse . Ama protestation contre cet emploi d’hommes
de Vichy pour le rapatriement, il fut répondu
qu’il fallait se servir de ce que l’on trouvait sur
place . Et dans le même temps on refusait de mobiliser
les déportés politiques pour organiser le rapatriement
de leurs camarades .
Malgré
ces points négatifs dus à l’incapacité des Missions
françaises de rapatriement de s’occuper efficacement
de rapatrier les cas les plus urgents de déportés politiques
, des résultats importants ont été obtenus .
Le
rapatriement de Suède par exemple . Il faut rappeler
que le 26 mai , j’ai adressé, au nom de notre Fédération
, une demande au ministre de l’Air pour qu’il envoie
un avion en Suède afin d’étudier sur place les possibilités
de rapatriement des déportés politiques de Ravensbrück
et de Neuengamme s‘y trouvant .
A
la suite des démarches auprès du consulat de Suède ,
cet avion put partir . Il fut accueilli avec une immense
joie par nos camarades qui avaient hâte de rentrer dans
leurs familles . Le rapatriement commença bientôt à
la cadence de deux avions par jour .
Après
les accords avec le maréchal soviétique Joukov , des
avions allèrent à Berlin et ramenèrent les derniers
malades de Ravensbrück et d’Orianienburg , d’autres
partirent à Prague , à Brunswick , à Magdeburg, etc.
.
Je
conclurai mon rapport en disant que , si nous avions
rencontré auprès du ministère des Prisonniers et Déportés
et auprès de la Mission française de rapatriement compréhension
et esprit d’initiative, des centaines de Français
et de Françaises ne seraient pas morts , en Allemagne
, après la libération de leurs camps .
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